Ami
Barak

La boîte rouge
Une exposition de Florin Ștefan

Iconoscope, Montpellier avril-juillet 2017

Florin Ștefan, Mercredi matin, 2017

L’infidèle

Lorsqu’est venu le temps des femmes, la fuite en avant fut permanente. Elles virevoltaient autour de lui et il les saisissait sans vergogne. Florin Ștefan s’est alors mis à entasser tous ces souvenirs narcissiques dans une boîte rouge en carton (celle-ci dont il dit qu’il ne l’a pas choisie, mais plutôt l’inverse). Il y a déposé des photographies d’Elles, de nombreux autres moments de vie intime. De celles qui sont passées dans sa vie, sa mémoire ; de Celle qui est restée hors de sa vie, mais dans son esprit. Il s’adonnait alors plus à la photo qu’à la peinture. Ces photos aujourd’hui disposées les unes sur les autres dans la fameuse boîte ont un peu jaunies. Il les a exhumées progressivement.

Florin Ștefan est un artiste d’aujourd’hui qui nourrit paradoxalement sa sensibilité et sa fascination pour le Beau dans le modernisme du XIe siècle. Il fait en effet partie de ces créateurs qui émergent dans ces périodes de ruptures industrielles et sociétales. Il se saisit de la technologie numérique pour documenter son travail de voyeur et pour le réinterpréter à l’appui d’une technique picturale sûre et académique. Toujours armé de son I Phone 7 Plus, devenu excroissance de sa main, il vole les moments des autres en « observateur du voisinage de proximité », comme aime à le définir Ami Barak.
Le besoin de transformer en peinture ces captations numériques relève d’un processus d’analyse à la fois très intellectuel et documenté par l’histoire de l’art, mais aussi d’un acte rituel et primitif, simple et direct.

Dans un pays issu de l’hybridité latine, slave, et austro-hongroise, Florin Ștefan est happé par le goût russe, lui qui est né dans le Pays de Maramureş, à proximité de l’Ukraine. Empreint de l’académisme russe, il développe un travail au traitement narratif, réaliste et nostalgique. La femme moldave, celle de l’Est du pays (archétype populaire roumain de la femme facile et dévoratrice), est d’ailleurs l’un de ses thèmes féminins de prédilection. Réanalyser ces photos de femmes, de moments ou d’espaces familiers, les détacher de leur réalité première pour en faire une fiction d’aujourd’hui, tel est l’enjeu de son travail. Les nombreux livres disposes sur les sièges et les étagères de son atelier témoignent, lorsqu’on tourne les pages de ces ouvrages, des filiations du travail de Florin Ștefan. De Velasquez (et sa Venus) à Felix Vallotton (et sa paire de fesses).
Au travers de sa fidélité à ces maîtres d’amour, Florin Ștefan manifeste sa dévotion à l’Art.

Benoît Bavouset

À propos de la galerie

Iconoscope, au sens littéral est un analyseur d’image qui traduit les images optiques en impulsions électriques. L’image et le langage, sont omniprésents dans la société contemporaine. De cette multiplicité exponentielle, liée aux modes de reproduction et de diffusion, ils perdent peu à peu de leur crédibilité, de leur aura. Les artistes présentés par Iconoscope interrogent cette forme de représentation visuelle pour lui redonner un sens.

Elle devient le vecteur d’un langage artistique, d’une conception du monde. Ces artistes, Berdaguer & Péjus, Michel Blazy, Harald Fernagu, Jean-François Fourtou, Loriot & Méliat, Didier Trenet, Jean-luc Verna… réorganisent le réel avec leur subjectivité et redonnent une place majeure à l’individu. Étonnamment ces démarches qui revendiquent la singularité amènent par leur mise en espace un sentiment de proximité avec l’œuvre présentée.

Le spectateur est immergé dans un univers qui prend ses distances avec le réel, pour mieux l’appréhender. C’est une pause, un moment propice à l’analyse de l’œuvre et ce qu’elle dit de notre relation au monde, à l’autre. L’humour est une dimension que l’on retrouve souvent dans leur travail, « comme le sens exact de la relativité de toute chose, la critique constante de ce que l’on croit être définitif » (Pawlowski).

À propos de l’artiste

Florin Ștefan est un artiste roumain, qui vit et travaille à Cluj, l'autre capitale artistique de la Roumanie après Bucarest. Cette ville a retenu l'attention ces dernières années par l'émergence de ce que certains appellent son « école de peinture », à l'instar de Leipzig.

La peinture de Florin Ștefan traite aussi bien de scènes d'intérieur et de genre que des portraits, des nus et du paysage. Les figures féminines sont très nombreuses dans l'œuvre de Ștefan. Qu'elles soient « assises, penchées, assoupies, devant un miroir, à la toilette ou au lit, toutes reflètent l'instantané, le désir qui nait ou s'émousse, l'attraction » comme l'écrit Ami Barak. Ces femmes deviennent des œuvres impertinentes grâce à leur cadrage et la richesse des tons utilisés. Le regard que Florin Ștefan pose sur ce qui l'entoure, ses sujets, ne manque pas de caractère et il l'exprime à travers la couleur, la lumière, la matière.

Florin Ștefan est également l'un des premiers artistes à s'être affranchi du poids du passé chaotique de son pays. Il a fait le choix d'un art résolument contemporain, qui n'exclue pas ses doutes, ses inquiétudes, et met en avant un combat entre l'artiste et sa peinture.

Florin Ștefan est né en 1968 (Roumanie). Il vit et travaille aujourd'hui à Cluj en Roumanie où il dirige également un centre d'art.