Ami
Barak

Edi Hila / Paysages transitionnels

Galerie Jean-Gabriel Mitterrand, Paris janvier-mars 2009

Edi Hila, House n°3, 2000

La scène balkanique européenne a vu naitre bon nombre de personnalités artistiques qui ont fait leur carrière hors des frontières nationales et le cas albanais ne manque pas de protagonistes de premier plan pour ne citer qu’Anri Sala ou Adrian Paci. Mais à Tirana, la capitale de l’Albanie, vit et travaille Edi Hila, une personnalité d’exception qui, dans les quelques manifestations internationales auxquelles il a participé ces dernières années, est apparu indubitablement comme un artiste d’envergure et probablement l’un des peintres les plus intéressants de ce début de 21ème siècle.

L’artiste est né en 1944 à Shkoder et sa biographie révèle les difficultés rencontrées par l’artiste pendant près de 20 ans. Accusé de pratiquer une peinture déviationniste, Edi Hila a subi au milieu des années 1970, les affres de la « rééducation » communiste en étant banni et obligé de travailler comme docker. Dans les années 1990 il est « réhabilité » d’abord pour peindre puis après le changement de régime il bénéficie à plusieurs reprises de l’attention de René Block et de Harald Szeeman, curateurs arrivés en prospection en Albanie, et qui par la suite, l’ont invité à participer à plusieurs expositions d’envergure.

Les œuvres de Edi Hila sont autant de regards circonstanciés qui se fixent sur un paysage en transition, un changement pas uniquement politique mais profondément social. Comme tous les pays de la région, l’état de transition est consubstantiel à chaque détail du relief que ce soit la campagne où les villes. De ces architectures à l’abandon, marquées pourtant par le sceau du modernisme, l’artiste arrive à faire ressortir avec une maîtrise picturale impressionnante, tous leurs paradoxes et un voile de mystère s’en empare. De même, il se concentre sur le pragmatisme de type entrepreneurial de ses concitoyens qui s’emploient à bricoler des outils et à faire du petit commerce sur les bas-côtés de la route. Un monde contemporain d’ailleurs aussi bien européen, balkanique et en même temps étrangement global, est décliné en images de télé, en scènes de rue et d’intérieur, un monde qui a implosé, qui se refait et dit l’histoire, qui bouleverse la pérennité des paysages, les brutalités infligées mais aussi la singularité de chaque recoin.

En invitant Edi Hila après Ion Grigorescu, la JGM Galerie signe ainsi son deuxième arrêt dans les Balkans avec la volonté de faire découvrir en France des personnalités à part dont la qualité de l’œuvre mérite amplement l’intérêt du monde de l’art.

Ami Barak